Lettre ouverte à la FRAPNA
Lettre ouverte à la FRAPNA
Monsieur le Président de la FRAPNA de Bourgoin-Jallieu
Monsieur le Président de la FRAPNA de Haute-Savoie
Monsieur le Président de la FRAPNA d'Isère
Monsieur le Président de la FRAPNA de Savoie
Nous avons été stupéfiés par le courrier que vous avez adressé à Madame Nathalie KOSCIUSKO- MORIZET le vendredi 13 janvier 2012, trois jours avant l'ouverture de l’enquête sur les accès français
au Lyon-Turin.
Pour nous, le report de l’enquête publique est un motif fallacieux pour enterrer le projet...
Votre demande de suspension de l’enquête publique au motif de « graves insuffisances dans les études et justifications du projet » dans l'avis de l'Autorité Environnementale rendu en décembre dernier, ne tient pas compte des compléments du dossier qui ont été publiés quelques jours avant votre courrier.
http://www.lyon-turin.info/sites/default/files/Avis_Memoire.pdf
Vous n'indiquez pas non plus que l'Autorité Environnementale souligne en préambule que l'avis qui est donné « vise à permettre d'améliorer la conception du projet, et la participation du public à l'élaboration des décisions qui portent sur ce projet. »
Nous attendions justement de la FRAPNA que, de par son expertise incontestée de la protection de la nature en Rhône-Alpes, elle aide le public à analyser toutes les réponses de RFF aux interrogations posées par l'Autorité Environnementale et qu'elle contribue ainsi à améliorer le projet et non qu'elle le renvoie aux calendes grecques.
Le but réel de cette demande de report n'est-il pas de perdre les financements européens afin de permettre d'enterrer définitivement la création de cette ligne ferroviaire moderne ?
La conséquence directe d'un tel objectif est de ne laisser aucune alternative à la transformation de la Savoie en couloir à camion (doublement du tunnel routier du Fréjus, Contournement Autoroutier de Chambéry, élargissement de l'A43 entre Chambéry et la Tour du Pin , A48 entre Bourgoin-Jallieu et Ambérieu, etc...)!
...et l'organisation d'un débat public sur la traversée des Alpes par le fret et les voyageurs, une hypocrisie !
Avant de formuler une telle demande, il nous aurait semblé nécessaire que la FRAPNA nous précise sa position sur la répartition équitable, entre chaque territoire, des flux de transport de marchandises.
A notre connaissance, au sein même de votre fédération, vous n'avez jamais exprimé de consensus sur ce sujet.
A Grenoble, la priorité doit être donnée au TER et en aucun cas au fret pour des motifs évidemment plus valables les uns que les autres. Le fret doit uniquement passer à Chambéry.
A Bourgoin-Jallieu, la priorité doit être également donnée au TER, et surtout pas au fret : la plate-forme de ferroutage doit se trouver à Ambérieu pour que celui-ci emprunte l'autre ligne historique qui longe le lac du Bourget, et traverse le cœur des agglomérations d’Aix-les-Bains et de Chambéry.
A Brison Saint Innocent, la plateforme de ferroutage doit absolument se trouver à Grenay pour emprunter l'autre ligne historique qui traverse le cœur des villes de Bourgoin-Jallieu et de Cognin.
Dans la vallée de l'Arve, on interdit la circulation des poids-lourds les plus polluants (EURO 1, 2
et bientôt 3) en oubliant totalement de préciser que ceux-ci viendront se reporter au cœur de l'agglomération chambérienne sur la VRU.
Pour concilier ces positions totalement contradictoires, la seule solution qui existe pour nous, conjointement à une fiscalité environnementale ambitieuse, consiste en la création d'une nouvelle ligne ferroviaire performante pour le transport de marchandises. La réalisation de celle-ci doit se faire dans
la meilleure insertion environnementale possible.
Pourquoi éluder l'exemple suisse ?
En 2009, en France, il y a eu sept fois plus de marchandises transportées par la route que par le rail.
A l'inverse, en Suisse, il y a eu plus de marchandises transportées par le rail que par la route...
Si la FRAPNA pense que la situation médiocre de la France peut se satisfaire d'une infrastructure datant de Victor Hugo, nous vous rappelons que la Suisse réalise actuellement, sans l'aide de l'Europe, trois nouveaux tunnels, le Gothard (53km) , le Ceneri (15km) et le Lotsberg(35km), pour encore diminuer le trafic poids lourds de moitié.
La réalisation de ces trois tunnels n'a entraîné aucun saccage des vallées contrairement à ce que certains nous prédisent en Savoie et dans le Val de Suse.
L' avis sur le projet Lyon-Turin, que nous publierons prochainement, s'appuiera sur cet exemple et inclura aussi :
la non remise en cause des tracés connus de tous, qui ont été étudiés depuis 10 ans et qui ont été acceptés par la quasi-totalité des décideurs en 2007,
la proposition d'un phasage économiquement réaliste, qui donne la priorité au fret tout en permettant d’accélérer les liaisons vers Paris et Lyon et aussi de développer, sans entrave, le trafic TER.
Nous aurions attendu, par contre, une communication de la FRAPNA sur un autre
« projet Lyon/Turin » :
Actuellement, en Savoie, se déroule une autre enquête publique pour augmenter de 60% la capacité d'échange d'électricité entre la France et l'Italie. Le coût de cette infrastructure s'élèverait à plus de 500 millions d'euros juste pour la partie française entre Chambéry et l’Italie.
A noter que, comme l'indique l'Autorité Environnementale, dix hectares de zones naturelles, qui servent aussi de corridor écologique entre le massif des Bauges et celui de la Chartreuse, vont être rayées de la carte entre Saint Hélène du Lac et Montmélian.
Là, on peut se questionner, pour de multiples raisons, sur la pertinence de cette nouvelle infrastructure :
aucune urgence pour la région Rhône-Alpes, à l'inverse de la Bretagne ou de la région PACA où le réseau électrique est reconnu par tous comme «fragile»,
pas d'augmentation de la consommation électrique, au contraire une diminution de 7 % en France l'an dernier.
Nous sommes d'autant plus surpris du silence de la Frapna sur ce projet, que le but non avoué de cette réalisation n'est pas de favoriser l'utilisation d' énergies respectueuses de l'environnement, mais, bien évidemment de vendre de l’électricité française, d’origine nucléaire, lors des creux de consommation
et, à l'inverse lors des pics, d'importer de l’électricité italienne, principalement produite par des centrales aux charbons ou au gaz.
Cet investissement coûteux par cette filiale d'EDF est d'autant plus surprenant, qu'en Maurienne, plus de 600 emplois sont en sursis à cause du relèvement du prix de l’électricité proposé à l'usine d’aluminium de Rio Tinto à Saint-Jean de Maurienne par EDF !
Comme par le passé, nous restons à votre entière disposition pour tout échange qui vous semblera nécessaire.
Recevez, Messieurs, nos sincères salutations.
La direction de l'association.