Lyon Turin Fret : un enterrement déguisé ?
1)Contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier , opérationnel en 2016
Le 18 décembre 2009, l’Etat a lancé l’appel d’offre pour la réalisation de ce projet. Pour lui :
« Ce premier grand projet ferroviaire constitue l’acte 1 du Grenelle Environnement qui met en œuvre, de manière irréversible, une nouvelle stratégie de développement durable pour les dix ou quinze années à venir. Le contournement de Nîmes-Montpellier permet ainsi de donner un nouveau souffle au fret ferroviaire : le fret sort des centres-villes, la capacité de la ligne sera doublée et passera de 200 trains par jour à près de 400 ( voyageurs et marchandises). La vitesse de pointe du fret ferroviaire passera quant à elle de 30 km/h à plus de 100 km/h. »
2) Contournement ferroviaire de Lyon opérationnel en 2019 ( partie nord) et 2020 ( partie sud)
Le 23 décembre 2009, l’Etat a approuvé l’avant-projet sommaire de la partie nord et le dossier d’études préliminaires de la partie sud. L’objectif est le même qu’à Montpellier. Pour lui : « Ce projet permettra de desserrer les contraintes qui pèsent dès à présent sur le nœud ferroviaire lyonnais et qui limitent le développement du TER et du fret, en libérant des sillons sur les parties les plus chargées du réseau. Ce projet participera au succès du report modal en améliorant la circulation des trains de fret en transit nord-sud ou vers l’Italie, via la nouvelle liaison entre Lyon et Turin... »
Les Savoyards peuvent donc légitimement espérer un traitement identique pour Chambéry, seul point de passage ferroviaire entre France et Italie. Qu’en est-il ?
Rappelons d’abord que, le 19 mars 2007, tous les élus rhônalpins, et l’Etat, s’engageaient pour « une première phase de réalisation des accès fret et voyageurs au tunnel de base en Maurienne. »
Cette première phase comportait 3 points :
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une ligne mixte fret et voyageurs entre Lyon et Avressieux
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un tunnel sous Chartreuse dédié aux marchandises permettant dans un premier temps de transporter 20 millions de tonnes ( soit plus d’une centaine de trains par jour) de marchandises directement vers l’Italie en évitant la traversée de Chambéry.
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Un tunnel sous Dullin-l’Epine dédié aux TGV et aux TER vers Paris et Lyon.
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Notre association était et reste favorable à ce scénario. Elle s’est, dès sa création, montrée très attachée à une réalisation rapide de la ligne fret. Celle-ci est en effet la seule capable d’enlever plusieurs milliers de camions des vallées de Chamonix, de Chambéry et de la Maurienne, ainsi que de la ville de Nice. Et elle permet d’éviter la réalisation de projets routiers tels que le Contournement Autoroutier de Chambéry et le doublement du tunnel du Fréjus.
Alerte courant juin 2009. Ce qui n’est encore qu’une rumeur circule : l’Etat envisage, non seulement de privilégier la ligne LGV ( voyageurs) Dullin-l’Epine, mais en plus, de l’adapter ( double tube au lieu d’un simple, modification du profil) à la circulation de trains de fret qui viendraient ainsi traverser toute l’agglomération chambérienne.
Comment imaginer que l’Etat puisse renier ses engagements de reporter massivement le transport de la route vers le rail, comment peut-il marquer un tel mépris vis à vis des élus rhônalpins ?
Cette incrédulité est confortée par l’absence d’une vive réaction de la part de nos élus. Sont-ils aussi incrédules que nous ?
Et pourtant.
Janvier 2010 : Abandon de la priorité au contournement ferroviaire de Chambéry sous Chartreuse, concentration du trafic dans l’agglomération
Le 25 janvier 2010, l’Etat confirme officiellement l’existence de ce projet, demande à RFF (Réseau Ferré de France) d’étudier entre Lyon et Saint-Jean de Maurienne …. la consistance des aménagements de ces sections permettant d’accroître leur capacité. Allusion à peine voilée à la création d’une troisième voie dans Chambéry.Conséquence : combien de millions de tonnes de fret supplémentaires dans l’agglomération ? Sans doute plusieurs dizaines.
Récemment, certains ont justifié la priorité accordée à la LGV par la candidature d’Annecy aux Jeux Olympiques de 2018, arguant qu’il était nécessaire de mettre le site à 3 heures de Paris. Leur mauvaise foi est évidente puisque RFF a indiqué que, quoi qu’il en soit, il était impossible de tenir ces délais.
On peut d’ailleurs s’interroger sur la stratégie de l’Etat. Ne s’agit-il pas de profiter de cette candidature, au succès très incertain, pour un événement à durée très limitée, pour retarder encore le Lyon-Turin fret, voire justifier son abandon ?
5 février 2010 : délibération du Conseil Général de Savoie, un débat de qualité, un consensus courageux et responsable
Le Conseil Général, à l’unanimité moins une abstention, demande « une concomitance de réalisation fret et voyageurs …. un aboutissement rapide des études des caractéristiques et de la capacité maximale du réseau ferroviaire »
8 février 2010 : délibération du Conseil Municipal de Chambéry : un rapport préalable approximatif et réducteur, un débat et des voeux passant à côté des enjeux.
Nous y reviendrons dans un prochain communiqué.
L’avis de ACAC73 : les conséquences de ce nouveau projet
Il ne faut pas être naïf : si l’Etat rajoute une centaine de millions d’euros au tunnel de Dullin-l’Epine, ce n’est pas pour y faire passer seulement une quinzaine de trains de marchandises supplémentaires par jour pendant 4 ans (entre 2019 et 2023, date aujourd’hui prévue de la mise en service du Lyon-Turin).
En 2013, date prévue pour le lancement du percement du tunnel de base ( et date limite d’utilisation des fonds alloués par l’Europe pour ce tunnel), ce même Etat expliquera :
- qu’il n’a plus de budget pour réaliser un deuxième ( si le premier est commencé) tunnel sous Chartreuse
- que la solution la plus économique est de construire une nouvelle voie destinée au fret dans l’agglomération chambérienne, et par conséquent d’y faire passer quelques centaines de trains par jour.qu’il est inutile de réaliser le tunnel de base entre France et Italie puisque le nœud ferroviaire de Chambéry ne pourra alors l’alimenter qu’au tiers de sa capacité.
Les opposants au Lyon-Turin fret, qu’ils soient Italiens ou Français, pourront alors crier victoire, même si celle-ci est obtenue avec la complicité de l’Etat français et de certains de nos élus.
En outre, à cette même date, le premier nœud routier sera en passe de disparaître avec la prévisible ouverture à la circulation de la galerie de 8 mètres au tunnel du Fréjus.
Comme les camions ne seront pas sur les rails, ils emprunteront la Voie Rapide Urbaine. Il suffira alors d’attendre que le trafic poids lourds devienne insupportable, ou encore d’invoquer des raisons de sécurité, pour que le Contournement Autoroutier de Chambéry soit réclamé. Il n’y aura plus d’alternative.
Puis on trouvera une « bonne raison » pour réduire la VRU à 2 fois 2 voies, le but étant d’engorger la VRU, d’obliger les usagers à emprunter le contournement payant. Ainsi celui-ci sera rentabilisé.
Les habitants de l’agglomération verront leur qualité de vie se dégrader.
Quelle sera l’attractivité de la Savoie si, entre Chambéry et Modane, le visiteur, même celui qui sera venu en TGV à 300 km/h jusqu'à Chambéry, sera pris dans un flot continu de poids lourds, sera contraint d’emprunter des itinéraires à péage ou devra utiliser des TER du 20e siècle à cause de la mixité fret-voyageurs des lignes ferroviaires.
Le vœu de l’Association : priorité à une stricte concomitance des lignes fret et voyageurs
Des engagements fermes ont été pris, il s’agit maintenant de les respecter. Les tunnels de Chartreuse (pour le fret ) et de Dullin-l’Epine (pour les voyageurs) doivent être réalisés en même temps.
Toutefois, si pour des raisons budgétaires, des choix sont à faire, il est impératif que priorité absolue soit accordée au transport du fret, c’est à dire à la réalisation d'un tunnel mixte Fret et Voyageur sous Chartreuse.
Cette solution présente bien des avantages :
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la vitesse de pointe du fret ferroviaire passera de 30 km/h à plus de 100 km/h (comme à Nîmes-Montpellier)
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la ligne sera adaptée pour faire passer plus de 200 trains de fret par jour, ce qu’une ligne traversant Chambéry ne pourra supporter.
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L'attractivité des gares de Chambéry et d'Aix les Bains sera renforcée avec deux fois plus de trains par rapport à une ligne passant par Dullin-l'Epine qui se scinderait en deux au nord de Chambéry.
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Les inconvénients sont mineurs
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le trajet vers Lyon et Paris sera plus long de 10 minutes (chiffre SNCF de 1997)
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les TGV en provenance de Turin pourraient ne plus s’arrêter à Chambéry ( 2 par jour)
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Chiffre SNCF 1997
| Ligne Actuelle | Tunnel Dullin-l’Epine | Tunnel Chartreuse |
Chambéry-Paris | 2h49 | 2h10 | 2h20 |
Chambéry-Lyon | 1h14 | 0h38 | 0h48 |